Michèle voit plus de nuances dans l’affaire DSK. Du gris plutôt que du noir et blanc que nous avons vu jusqu’ici. Elle nous écrit de Paris.
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D’abord, ce serait faux de considérer qu’il y a d’un côté la France, de l’autre les USA, chaque camp étant complètement homogène. Il y a plusieurs plans de discussion : les faits, les cultures, les sensibilités individuelles aussi. Il me semble qu’il y a par exemple en France une évolution : les jeunes générations se rapprochent davantage d’une sensibilité américaine et jugent beaucoup plus sévèrement les actes antiféministes en général, qu’il s’agisse de crimes ou de comportements moins graves. La culture dite « latine » demeure mais cède du terrain devant une culture à la fois plus féministe et plus anglo-saxonne. On le voit aussi dans le rapport à la « publicité » des informations : faut-il tout dire sur quelqu’un ou pas ? C’est une discussion rebattue, où chacun donne ses arguments. Mais quels que soient les avis, si la vie privée reste plus cachée et plus protégée en France qu’au USA, elle l’est beaucoup moins qu’autrefois. Il y encore peu de tabloïds mais nettement plus de détails sur les gens en vue dans les journaux. Sarkozy a fait beaucoup pour ce changement vers une américanisation des campagnes électorales et de la vie politique.
De même tous les groupes sociaux ne pensent pas de la même façon. Les mouvements féministes ont leur point de vue, les urbains et ruraux, les ennemis ou amis de DSK aussi etc. Je sais que c’est évident de dire cela mais je le rappelle parce que ça évite les visions en noir et blanc avec l’idée du choc des civilisations dont on a connu par ailleurs la nocivité.
D’autre part sur la question du viol, donc de la gravité et de la réprobation de l’acte s’il est prouvé, il me semble qu’il n’y a pas de divergence entre l’opinion en France et aux US. On a tendance ici à poser une barrière complète entre la drague, la séduction même poussée et l’imposition d’une violence physique à des fins sexuelles, cad dire le viol. Peut-être tout de même une différence « culturelle » : il semble qu’aux USA on pense volontiers que l’un mène à l’autre, ici il y a plutôt l’opinion inverse selon laquelle que la psychologie du séducteur et celle du violeur diffèrent radicalement : charmer contre forcer. Il y a donc l’idée que le viol peut aussi bien venir d’un homme à femmes que d’un refoulé sans vie sexuelle satisfaisante. L’affaire est plus compliquée car il y a certainement des cas intermédiaires, pas clairs, avec des mixtes de séduction et violence, qui eux posent problème.